“Une élection libre et transparente conduit à la paix” affirment les Imams camerounais dans leur lettre de l’imamat
DISCOUR POUR LA PAIX ISLAMIQUE AU CAMEROUN
Au peuple de Dieu qui est au Cameroun,
À tous les Camerounais,
À tous les acteurs de la scène politique,
Aux hommes et femmes de bonne volonté.
Chers Fidèles d’Allah,
Chers concitoyens,
« Que la grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Seigneur ! » (Ga 1,3).
1. Les années 2018 et 2019 sont pour notre pays hautement décisives sur le plan politique, du fait des élections qui seront organisées. Celles-ci constituent un des moments forts dans la vie de notre pays, car selon l’enseignement de lislam, le peuple exerce sa souveraineté en choisissant, de manière libre, pacifique et responsable, ses dirigeants.
2. Nous soulignons que ces élections se tiendront dans un contexte socio-politique particulier : la crise dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’insécurité à l’Extrê me Nord, causée par la secte Boko Haram et l’impact du conflit centrafricain sur la région frontalière de l’Est du Cameroun.
Un tel contexte pourrait perturber le déroulement serein et pacifique des élections dans notre pays.
3. Nous en appelons à des élections apaisées, libres et transparentes dans notre pays, ce qui garantit la paix, la stabilité et la justice. Dans cette perspective, Cercle Islamique pour le Salut au Cameroun partage, elle aussi, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » (1). C’est pourquoi, nous, vos pasteurs, au nom de notre foi en Jésus-Christ et nous inspirant de la doctrine sociale de l’islam, avons toujours pris la parole à ces moments, ô combien, importants et décisifs de la vie socio-politique de notre pays.
4. Dans notre Lettre Imamat sur l’engagement des laïcs dans la vie de la Nation (1998), nous invitions les laïcs à s’engager pour une vraie démocratie par amour pour Dieu et pour les hommes, dans un esprit de service et de générosité pour le bien de tous (2). Nous souhaitions en outre « que chaque chrétien et surtout chaque électeur connaisse suffisamment, la législation et la réglementation sur les élections, qu’il s’efforce notamment de savoir quels sont ses droits et ses devoirs en la matière. Si nous ne travaillons pas pour élire des hommes et des femmes capables de porter nos aspirations et surtout d’œuvrer pour le bien commun de toute la nation, nous en porterons nous-mêmes la responsabilité. Que les mesulmans et citoyens de bonne volonté travaillent à promouvoir la candidature d’hommes compétents et honnêtes, quelles que soient l’origine ethnique et l’appartenance religieuse de ceux-ci » (3).
5. Dans la Lettre des imams du Cameroun à tous les fidèles et à toutes les personnes de bonne volonté sur le « droit et le devoir de vote » (2004), ils rappelaient : voter est un droit pour tout citoyen qui en remplit les conditions ; c’est aussi un devoir dont ce dernier a l’obligation morale de s’acquitter. D’où la nécessité de l’implication de tous les citoyens aux élections comme il convient dans une démocratie. C’est un droit qui est conféré par la Constitution de notre pays qui place les électeurs à égalité de pouvoir et de voix, quel que soit leur rang social, leur niveau intellectuel, leur âge au-dessus de 20 ans, leur sexe, leur appartenance religieuse, leur capacité physique et intellectuelle. En d’autres termes, cela signifie que la voix de chaque citoyen en âge de voter compte parce qu’il n’y a aucune différence entre les électeurs.
6. Vos imams, dans une autre lettre imamat à l’occasion de l’élection présidentielle (2011), portaient à l’attention des fils et filles du Cameroun quelques réflexions sur l’avenir du pays et sur le vote citoyen, condition pour la réussite dans un processus électoral. L’avenir de notre pays est entre nos mains.
7. Dans le contexte sus-évoqué, nous reprenons la parole pour éclairer la conscience des fidèles catholiques et des personnes de bonne volonté à effectuer des choix qui ne sont pas en contradiction avec leurs convictions inspirées par l’islam. En effet, « la démocratie authentique dans le respect du pluralisme est une route principale sur laquelle l’islâm chemine avec le peuple… » et « le laïc chrétien engagé dans les luttes démocratiques selon l’esprit de l’islam est le signe d’une Église qui se veut présente à la construction d’un état de droit » (4).
8. Nous voulons avant tout, à la suite du concile Vatican II, dire que « l’Église tient en grande considération et estime l’activité de ceux qui se consacrent aux biens de la chose publique et en assume les charges pour le service de tous » (5). Par ailleurs, elle doit éclairer tous les secteurs de la vie humaine par sa doctrine et son témoignage. Les Pères conciliaires affirment encore dans ce sens : « Il est juste qu’elle (l’Église) puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entrave sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations » (6).
9. C’est pourquoi nous vous proposons ces critères, entre autres, pour élire les candidats ;
• des candidats capables de faire face à la crise socio-économico-politique que traverse notre pays,
• des candidats décidés à donner confiance tout aussi bien à notre peuple qu’à la Communauté internationale en promouvant l’unité du pays et l’intangibilité de nos frontières, son indépendance véritable et sa dignité dans le concert des nations modernes,
• des candidats dont les programmes politiques sont à même d’apporter des solutions réelles aux problèmes que connaît notre pays :
– la corruption,
– la perte du sens du bien commun,
– la crise dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest,
– les inégalités sociales,
– le chômage des jeunes,
– la lutte contre la secte Boko Haram,
– les défis dans le monde judiciaire, la santé, l’éducation, les infrastructures,
– etc.
La recherche du pouvoir ne devrait pas faire oublier que la vraie bataille est celle du bien-être des citoyens.
10. Il nous plaît de rappeler que tout chrétien doit participer à la construction de son pays dans un esprit de service, en choisissant des responsables politiques. En effet, pour le chrétien, la politique est une expression noble et exigeante de son engagement au service des autres. Le pape François invite à juste titre à ce que « la responsabilité politique soit vécue à tous les niveaux comme une forme élevée de charité. »
11. Dans cette ligne, nous invitons tous les chrétiens et tous les citoyens à ne pas se résigner et à ne pas céder aux préjugés selon lesquels les résultats sont déjà connus, mais à aller voter pour doter notre pays de dirigeants responsables et intègres. En votant, faites preuve de tolérance en acceptant le droit à la différence d’opinion, en traitant avec bienveillance vos adversaires et en les aimant.
Le processus d’une élection libre et transparente conduit à la paix. En cas de victoire, ne cherchez aucunement à provoquer ou à humilier vos adversaires. En cas d’échec, sachez reconnaître votre défaite et félicitez le vainqueur ou les vainqueurs. Telle est la loi de la démocratie. Par conséquent, la défaite ne doit pas donner lieu à des actes de violences, de pillages ou de vandalismes.
12. « Qui est fidèle en très peu de chose est fidèle en beaucoup, et qui est malhonnête en très peu est malhonnête aussi en beaucoup » (Lc 16, 10). Exercer une fonction publique est essentiellement un service à la communauté et non pas un moyen d’enrichissement individuel, encore moins la recherche d’une gloire personnelle ou un moyen de dominer le peuple. Le pape saint Jean XXIII enseignait : « Plus que le geste, c’est l’esprit qui compte, et la leçon n’est pas seulement pour les chefs religieux : tout commandement, tout exercice de l’autorité est un service. Le pape aime s’appeler Servus servorum Dei ; il se sent et s’efforce d’être le serviteur de tous. Dieu veut que ceux sur qui pèse la responsabilité de la communauté humaine accueillent, eux aussi de bon cœur, cette dernière et grande leçon du Jeudi Saint, et sachent reconnaître que leur autorité sera d’autant mieux acceptée par leur peuple qu’ils l’exerceront dans un esprit d’humble service et de total dévouement au bien de tous » (7).
13. Que les médias publics ou privés, en cette période électorale, contribuent à éclairer les citoyens en respectant la déontologie de la communication. Que tous fassent preuve d’esprit critique et de haute responsabilité dans l’usage des moyens de communication sociale.
14. Nous rappelons ce que nous avions déjà dit dans notre Lettre pastorale sur l’engagement des laïcs dans la vie de la Nation (1998, n. 18) : « Le libre choix des candidats suppose des débats au cours desquels diverses opinions se croisent, s’affrontent, s’éclairent et parfois se complètent. Il importe par conséquent que personne ne soit ni ne se sente inquiété par le seul fait qu’il exprime ses opinions. »
15. Pour accompagner, comme à l’accoutumée, le processus électoral, l’Église au Cameroun est dotée d’un organe, la Commission épiscopale « Justice et Paix », ayant pour rôle, entre autres, l’observation chrétienne des élections. Nous engageons ainsi toutes les parties prenantes dans ces processus, à œuvrer de sorte que ces élections se déroulent dans la transparence et le respect du droit de participation et de l’expression de la volonté du peuple. Nous invitons tous les candidats des partis politiques à œuvrer pour la sauvegarde de l’unité et de la paix dans notre pays.
16. Comme dit le Psalmiste : « Si Yahvé ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs ; si Yahvé ne garde la ville, en vain la garde veille » (Ps 127, 1), nous exhortons, dans ce sens, tous les croyants à la prière, afin que le Seigneur nous donne des dirigeants selon son cœur et dont notre société a besoin pour une vie calme et paisible.
17. Que la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame de la Paix et Patronne du Cameroun, veille sur nous tout au long de ces années décisives pour l’avenir de notre pays.
GIC BEITUL ZAKAT CAMEROUN
ASSOCIATION BATISSONS L AVENIR ABA
677 26 47 31